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Eminescu : în francezã

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Ionela Manolesco :


« Évocation, souvenir et traductions sélectives du poète MIHAÏL EMINESCO » - Montréal, 10 mai, 2004

Évocation

Les Cent cinquante-cinq ans qui nous séparent de son anniversaire ne l’empêchent pas de rester le plus grand poète roumain. Et pas seulement. Étant abondamment traduit et commenté dans toutes les langues, il est encore l’un des plus grands Poètes du monde. De son temps, le pays était encore morcelé; il l’a rendu unitaire. L’union géopolitique qu’il a favorisée et pour laquelle il s’est battu, se basait sur la spiritualité commune ã tous les Roumains, ã ceux des Principautés tout comme ã ceux de l’exil.

Eminesco a inventé la poésie roumaine moderne. Sa prosodie, son vocabulaire et son écriture. Il a perfectionné la poésie essentielle. Il l’a rendue égale ã la philosophie. Il lui a conféré l’ardeur qui l’a élevé et qui l’a consommé.

Eminesco est unique dans sa grandeur et il atteint, par son Œuvre, le sommet qui le place au côté d’un Homère, un Horace, un Shakespeare.

Eminesco, poète roumain de formation occidentale, se place au début dans l’espace romantique viennois, où il crée déjã une œuvre majeure, fut-elle précoce. Il s’engage ensuite dans la période moldave, choisissant la ville de Iassy comme résidence. C’est alors qu’il écrit la plupart de ses poèmes. Ceux-ci se structurent en une œuvre monumentale. Son évolution est due encore ã l’impulsion que lui donna une école littéraire d’exception ã laquelle il allait adhérer. Cette école, dirigée par Titus Maioresco, a produit la plus importante littérature roumaine classique. Maioresco eut l! e mérite de découvrir et mettre en valeur Eminesco, en le publiant dans les Convergences littéraires, revue du Cénacle « Junimea » (roum. : « La Jeunesse »), qu’il dirigeait. En l’occurrence, c’est le Poète qui conféra ã la fameuse publication ses lettres de noblesse.

L’ardeur créatrice d’Eminesco ne connut pas de limites. Elle lui servit ã exprimer la spiritualité de tout un pays. Et c’est toujours elle qui allait le consommer jusqu’ã le réduire ã un sort tragique, celui qui l’a brisé. Eminesco se savait génial. Il ne prétendait pas d’être reconnu comme tel. Pas même par la postérité. Il désavouait surtout les non-avenus qui avaient la prétention de l’étiqueter, de quelque façon que ce soit. Je le cite :
« Quelque Nul viendra t’écrire, rien que pour grossir le tas,
« Un bouquin en minuscules et qu’il signera en gras…
« La finesse de ton style suscitera sa réplique :
« En ton nom, en bas de page dans une note anémique »

( « La Première Épître », trad. I.Manolesco)



Eminesco l’Immortel

« Je ne croyais pas apprendre ã mourir;
Jeune pour toujours, vêtu de ma cape,
Le regard songeur levé vers l’Étoile
Solitaire… »

Ode en mètre antique », trad. I.M.)


Eminesco s’identifie avec Hypérion, l’Astre du Berger; voir le poème de ce nom (roum. : « Luceafãrul »). Hypérion demandait au Créateur de l’absoudre de l’Immortalité, pour devenir compatible avec la faiblesse humaine et correspondre ã l’Amour. Il n’a pas pour autant perdu son immortalité. Eminesco, même fou, allait rester un Immortel. Il sanctifie tout ce qu’il touche. Tout lecteur sort transformé en bien, initié et spiritualisé, après avoir lu ses poèmes.

« Nous n’avons pas un Eminesco » - de dire un fin esprit japonais…



Souvenir

Un certain nationalisme rafraîchi rappelle celui du dix-neuvième siècle. Ce fut alors un nationalisme précoce qui se souvenait lui aussi du passé glorieux et remettait en valeur la latinité profonde des sujets concernés. L’association « La Jeune Roumanie » (roum. : « România Junã ») de Vienne allait ã un certain moment organiser une festivité ã Putna, en Roumanie. L’année 1871, c’était la première année du règne du Charles 1er de Hohenzolern.

Sur le vieux tronc du parti conservateur, celui des nobles (roum. : des « boiards »), venait se greffer la branche cadette, celle des nouveaux conservateurs, dont les Junimistes, Titus Majoresco en tête. Toute l’Intelligenzia roumaine, de droite ou de gauche, et encore plus la jeunesse estudiantine, éparpillée aux Universités de l’Occident, se serrèrent les coudes pour participer ã une festivité qui devait prendre un sens symbolique en matière d’unité nationale ã renforcer. Tout ce beau monde allait se rendre ã Putna, une petite localité du Nord de la Moldavie, qui dans le passé avait été la capitale de cette province, au temps du Prince régnant Étienne-le-Grand. Ce prince, sanctifié depuis peu, est le même ã qui le pape d’alors avait donné le surnom de « Champion de la Chrétienté ». L’initiative de la participation, ã cette fête officielle, des jeunes Roumains étudiant ã l’étranger, revint ã Eminesco. Parmi les participants comptaient des personnalités marquantes, comme : Mihaïl Cogalniceano, Al. Xénopol, Gr. Tocilesco, Ioan Brãtesco, Gh. Dem. Teodoresco. On a même érigé, ã Putna, un arc de triomphe en l’honneur de l’ancienne frontière de la Bucovine, terre moldave et donc roumaine. Hélas, la petite province était alors sous occupation allemande.

Sur le tombeau d’Étienne-le-Grand, au moment de l’ouverture solennelle des festivités, le Colonel Boteanu, le chef de l’armée, déposa son centurion et sa bandoulière, en signe de pieux dévouement. L’assistance fut comme électrisée. Eminesco distribua des brochures qu’il avait fait passer par la douane, cachées sous de vieux bouquins pour s’esquiver ã la censure. Xénopol tint un toast ã la table festive installée sous l’arc de triomphe où prirent place les 1600 invités.

Ce fut une heureuse occasion pour des Roumains vivant, soit comme résidents, soit comme exilés, ou comme étudiants ã l’étranger - ainsi que d’autres Roumains, étrangers dans leur propre pays - de se sentir comme faisant partie d’une structure atemporelle, éminemment roumaine, dont l’esprit commun ne visait qu’une chose : un seul pays ã tous.

Mais quant ã se loger, l’organisation avait fait défaut. La plupart des jeunes étudiants n’avaient pas où dormir. Ils ont dû se débrouiller, chacun ã sa manière. Eminesco choisit un endroit insolite qu’il occupa, avec deux de ses compagnons. C’était un espace étroit, en haut de la tour du palais voïvodal d’Étienne-le-Grand!

Les trois jeunes téméraires, le Poète en tête, passèrent la nuit couchés sur des bottes de paille. Tout confort compris, ã l’exception d’un détail. À l’initiative d’Eminesco, ils furent obligés de ne pas se déchausser. C’est qu’ils n’avaient qu’une seule paire de bottes chacun, et le risque qu’on les leur vole était bien grand…



Choix de poèmes et fragments poétiques de Mihaïl Eminesco

(Traduction du roumain vers le français par I. Manolesco)

« Mélancolie »

Il me sembla lors que les ouvraient une porte,
Laissant passer la blanche Reine des Nuits, morte;
Si pâle, au milieu des cierges qui crépitent,
En son linceul de brume elle quitte la crypte
Du bleu tombeau. Ô, Toi, divin monarque!
Ô, Bien- Aimée! De ton halo qui s’arque,
Tu éclaires cités et hameaux de ce monde,
Quand de ton doux éclat magique tu l’inondes.
Le firmament se brûle ã ta flamme austère,
Et brillent, par ton reflet, les murailles sévères…
Un cimetière déserté veille obsolète;
Sur une croix croche un vigile, la chouette;
Le clocher craque des doigts, ses colonnes,;
Le démon de la mort le hante, quel fantôme,
Frôle d’une aile griffée le beffroi d’airain
D’ou s ’échappe, lugubre, un glas éteint;
L’Église en ruines
Semble une vieille désolée qui s’incline.
Le vent lui jette un blasphème et se case
Entre ses murs, ses piliers et l’iconostase
Dont les icônes peintes aux couleurs effritées
N’ont plus que les contours de ces saints ombragés.
Comme prêtre psalmodie ã sa place un grillon;
Comme chantre c’est une vrille rongeuse qui répond…

Que les icônes d’antan brillaient d’une foi ardente !
C’est elle qui a inscrit dans mon cœur les beaux contes;
Le virage du sort m’ayant pris ã rebours,
Ne me laissent du passé que de vagues contours;
C’est en vain que je fouille pour lui ma tignasse :
Un grillon brouille, triste, ma pensée lasse;
C’est en vain que je pose la main sur ma poitrine;
Le cœur est un cercueil que la même vrille mine
Et si je veux revoir le passé, ma mémoire
C’est comme la bouche d’autrui débitant son histoire.
À qui est-ce cette voix qui chante la mélopée
De la vie d’un quidam que je n’ai pas été?
Si je lui prête l’oreille, je ris en l’écoutant,
De ma vie. Je suis mort, je crois, depuis longtemps.

5

« Je n’ai qu’un seul désir »

(Traduction du roumain vers le français par I. Manolesco)

Je n’ai qu’un seul désir :
Quand tombe le soir,
Que l’on me laisse mourir
Au bord de la Mer Noire!
Que mon sommeil soit doux,
La forêt me soit proche,
Quand le soleil dissout
Dans ces vagues sa torche.
Ni fleurs, ni étendards,
À mon chevet ne gisent;
Tressez, de branches lisses,
Mon ultime brancard.

Après moi, une fois mort,
Que nul ne se lamente;
L’automne , sur mon corps,
Feuilles mortes décante!
Gravissent des ravins
Les sources, une ã une;
Et que saigne la lune
Empalée par les pins.
Sonnaille, au long des berges,
Un vent froid tristes vêpres
Et qu’un tilleul, mon prêtre,
De ses branches m’asperge.

6

Plus ne me vois errant
En exilé sur Terre…
Les souvenirs d’antan,
De neige qu’ils m’enterrent!
L’étoile du Berger
Et ses sidères pairs
Seront mes vrais frères
Dans la noire forêt.
Qu’elle hurle son tourment
La passion de la mer…
Je resterai poussière,
Dans l’isolement.

(Iassy, décembre 1883)

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